Interview | Dominique Polton
Dominique Polton, membre du Haut conseil pour l'avenir de l'Assurance Maladie et présidente de l’INDS. Elle a été directrice de l'Institut de Recherche et Documentation en Economie de la Santé (IRDES) et directrice de la stratégie, des études et des statistiques au sein de la CNAMTS. Elle a par ailleurs été cheffe du bureau économie de la santé à la Direction de la Sécurité Sociale (DSS) au ministère de l'emploi et des affaires sociales pour lequel elle a présidé en 2015, le groupe de travail chargé de la rédaction du rapport sur "La réforme des modalités de l'évaluation des médicaments".
L’ouverture du SNDS allant de pair avec la création de l’INDS, quels changements sont à prévoir pour les demandeurs de données ?
Réponse : La loi de modernisation de notre système de santé, qui crée le SNDS, prévoit plusieurs types d’accès aux données.
Toutes les bases de données qui sont suffisamment agrégées pour ne présenter aucun risque de réidentification des individus ont vocation à être accessibles en open data, c’est-à-dire utilisables par tous, sans nécessité d’autorisation préalable ni formalité particulière.
Un décret autorise par ailleurs des accès permanents à un certain nombre d’organismes poursuivant des missions de service public, avec un périmètre spécifique défini pour chacun en fonction de ces missions.
Dans tous les autres cas, les données du SNDS seront accessibles sur demande, et cette demande transitera par l’INDS, qui a une fonction de « secrétariat unique ». L’INDS devra transmettre le dossier dans un délai maximal de sept jours au Comité d'expertise pour les recherches, les études et les évaluations dans le domaine de la santé (CEREES), qui aura un mois pour émettre un avis sur la méthodologie et sur la pertinence des données demandées par rapport aux finalités du traitement. Cet avis sera transmis à la CNIL qui autorisera ou non le traitement.
L’INDS pourra également, avec le CEREES, proposer des procédures simplifiées qui pourront être homologuées et publiées par la CNIL et qui permettront des accès plus rapides aux données.
L’enjeu, c’est de traduire concrètement la volonté d’ouverture portée par la loi de modernisation de notre système de santé, en mettant en place des procédures fluides, rapides, en facilitant l’accès aux données de tous dans le respect des contraintes de protection de la vie privée et dans le respect des finalités prévues par la loi.
Dans quelle mesure l'ouverture du SNDS a-t-il un impact pour les organismes privés souhaitant effectuer des études basées sur des données du SNDS ?
Réponse : L’accès aux données est ouvert aux organismes privés comme aux organismes publics, dès lors que les recherches, études ou évaluations sont d’intérêt public et correspondent aux finalités du SNDS, qui sont très larges. Pour tous, l’objectif est une réduction des délais d’accès et une simplification des procédures de façon à démultiplier les usages et accroître le bénéfice collectif que nous pouvons tirer de ce patrimoine.
Par exemple, ces données peuvent être exploitées de manière plus systématique pour analyser l’usage en vie réelle des produits de santé, leur efficacité, leur sécurité, la conformité de leur utilisation aux recommandations de bonne pratique… Ces analyses sont utiles pour les pouvoirs publics, mais aussi pour les industriels qui commercialisent ces produits. Des études de ce type vont sans doute se multiplier.
Les organismes privés sont aussi partie prenante de l’INDS, et à ce titre ils pourront exprimer leurs besoins en termes de systèmes d’information et contribuer à l’évolution du SNDS.
A votre avis, quels seront les bénéfices du SNDS à terme pour les utilisateurs et les citoyens ?
Réponse : Les bénéfices potentiels sont nombreux et sont à la mesure des enjeux : enjeux d’efficience de l’action publique, d’amélioration de la qualité de soins et des services rendus par notre système, enjeu de progression de la connaissance et de la recherche pour favoriser l’innovation ; enjeu de démocratie en santé enfin, car il s’agit aussi de favoriser de nouveaux usages citoyens des données, par les usagers, les patients et leurs associations, et plus largement par la société civile, visant des objectifs de transparence, de réduction des inégalités, d’amélioration de la prise en charge.
Ce patrimoine exceptionnel constitue également un atout pour la France dans la compétition internationale, car peu de pays ont un système de données de cette ampleur : c’est un bénéfice majeur si nous savons collectivement le faire fructifier, et aussi continuer à l’enrichir.